Les TER dans le chamboule-tout des régions

 

Faudra-t-il bientôt prévoir des couchettes dans les TER qui relieront Dreux (ex-Centre) à Brive (ex-Limousin) ou Modane (ex-Rhône-Alpes) à Aurillac (ex-Auvergne) ? Aménager les horaires pour que les trains puissent couvrir en une journée la distance entre Abbeville (ex-Picardie) et Chaumont (ex-Champagne-Ardenne) ? Ou encore changer le design des rames pour leur donner une « identité visuelle », comme disent les têtes pensantes, pyrénéo-languedocienne ou alsaco-lorraine ?

Les régions s’occupent de tout. Divers scénarios plus ou moins fantaisistes circulent, mais en attendant les 14 futures régions métropolitaines resteront, comme c’est le cas depuis la décentralisation de 1982, les « autorités organisatrices » responsables des transports ferrés. Depuis 2002, leurs pouvoirs ont été renforcés et ce sont elles qui administrent le fonctionnement du transport express régional (TER). Les conseils régionaux, dotés de commissions de travail en charge des transports et d’élus délégués ayant le titre de vice-présidents, s’occupent pratiquement de tout : définition des lignes et des horaires, réception du matériel roulant (une compétence que plus personne n’ignore depuis l’affaire des TER trop larges), choix d’un éventuel cadencement (ici en Lorraine), décision, occasionnelle, de remplacer les trains par des cars, voire suppression de la première classe (ici en Rhône-Alpes).

« Le train est arrivé à l’heure ». Les voyageurs sont d’ailleurs informés de cette prééminence des régions. Lorsqu’un TER parvient à son terminus, le haut-parleur diffuse désormais un message sur le mode « Le train est arrivé à l’heure. SNCF et la région Champagne-Ardenne vous remercient de votre confiance ».

Peu d’économies. La fusion annoncée ne devrait pas permettre de substantielles économies, si on en croit les élus en charge des transports. Certes, on imagine volontiers que les nouvelles régions effectueront des commandes plus volumineuses de matériel ferroviaire, de façon à faire baisser les coûts. Mais en réalité, elles procèdent déjà ainsi. Les horaires pourraient bien sûr être réaménagés ici ou là, mais en pratique les limites administratives n’influencent que marginalement les déplacements. Les TER traversent déjà les Vosges, la Seine pour aller de Rouen à Caen ou le Massif central entre Lyon et Clermont-Ferrand.

Le coût des logos. Il faudra enfin redessiner des logos et des « habillages » au nom et aux couleurs des nouvelles régions, en plus de modifier l’annonce sonore. Cela peut coûter davantage que cela ne rapporte, comme en témoigne ce coup de peinture effectué l’an dernier en Rhône-Alpes, facturé 21000€ par train (à lire ici). Car les TER sont aux régions ce que les tramways, petits bijoux, sont aux agglomérations.

« La vraie question, c’est celle des compétences pour les régions, quelle que soit leur taille », argumente Roland Ries, maire (PS) de Strasbourg et président, jusqu’en septembre, du Groupement des autorités responsables des transports (GART). Les régions souhaiteraient ainsi être propriétaires du matériel roulant qu’elles commandent et financent.

Les malheurs de Salomon. Par ailleurs, la gestion des transports subit aujourd’hui un effet délétère de la répartition des compétences entre les échelons de collectivité, façon jugement de Salomon. Ainsi, si les régions sont en charge des trains, les départements gèrent les cars interurbains, les intercommunalités maîtrisent les transports urbains et les communes définissent les plans de circulation et le stationnement…

Il résulte de ce mille-feuilles, que l’on peut baptiser, si on préfère, pudding ou lasagnes, des incohérences voire une concurrence entre les différents niveaux. Ainsi, depuis que certaines régions proposent des trajets en TER à 1€ (comme c’est le cas en Languedoc-Roussillon), des départements ont décidé d’instituer le même tarif. Il ne faudrait pas que les voyageurs préfèrent « leur » train à « notre » autocar…

« Pour les transports, une réforme territoriale s’impose certes, mais celle qui consiste à fusionner les régions ne présente aucun intérêt », résume, en souhaitant rester anonyme, un important responsable du secteur.

 

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