Retards des TER : la SNCF déraille, selon l’UFC-Que choisir

 

Malgré des investissements massifs, la France reste dans le wagon de queue pour ses transports régionaux. Les contribuables ont-ils « arrosé le désert » ?

TER stationnant en gare de Portet-Saint-Simon. Située à la bifurcation des lignes Toulouse-Bayonne et Portet-Saint-Simon/Puigcerda, cette gare desservie par quatre lignes est gérée conjointement par RFF et la SNCF. Comme beaucoup d'autres gares françaises, elle fait l'objet d'un programme de rénovation dans le cadre des contrats de projets État-région. 
TER stationnant en gare de Portet-Saint-Simon. Située à la bifurcation des lignes Toulouse-Bayonne et Portet-Saint-Simon/Puigcerda, cette gare desservie par quatre lignes est gérée conjointement par RFF et la SNCF. Comme beaucoup d’autres gares françaises, elle fait l’objet d’un programme de rénovation dans le cadre des contrats de projets État-région.  © LANCELOT FREDERIC/SIPA

L’UFC-Que choisir a annoncé mardi matin qu’elle avait mis en demeure l’autorité des transports en Ile-de-France, le Stif, pour qu’elle modifie son contrat de service public avec la SNCF et la RATP. L’association de consommateurs estime par ailleurs que l’ensemble des régions devrait « mettre la qualité des transports au coeur des politiques régionales ». Premier critère de qualité, la ponctualité des trains est au coeur d’une grande étude publiée mardi, et le constat est alarmant.

Malgré des investissements massifs, des régions notamment, la France « reste dans le wagon de queue » si on la compare avec les autres pays d’Europe occidentale : 89,5 % des trains sont à l’heure, contre 96,4 % en Autriche ou encore 94,9 % en Allemagne et aux Pays-Bas. L’Italie, le Royaume-Uni et la Belgique devancent aussi la France, de façon moins marquée. À la veille des élections régionales, l’UFC espère « inscrire les transports en commun dans la campagne », explique son président Alain Bazot, car « quand on se regarde on s’indigne, dès qu’on se compare on se révolte ».

L’UFC-Que choisir a lancé plusieurs initiatives mardi, dont une pétition pour réclamer un tarif « en fonction de la qualité », et une application mobile (pour Android et iOS) permettant aux usagers de signaler les retards à répétition et constituer un observatoire indépendant des retards.

L’incroyable carte des retards

Avec une fréquentation en hausse de 34 % depuis 2002, les transports régionaux sont un « succès populaire dont il faut se réjouir », poursuit-il. Mais les dix milliards d’euros investis chaque année ne semblent pas suffire, pas plus que les 2,5 milliards payés par les usagers (28 % des coûts réels !) Les retards, premier critère de qualité, varient énormément entre les régions. La carte est d’ailleurs édifiante : elle montre un écart de plus de 20 % entre les meilleurs élèves, dans le nord, et les pires, dans le sud du pays. De quoi faire plaisir aux amateurs de clichés sur les Français…

DOCUMENT. La carte des retards des TER en 2014, selon l’UFC-Que choisir :

 

 

 ©  UFC Que Choisir

 

 

Cette carte n’illustre cependant pas toute la douleur des usagers, car les statistiques sont biaisées, selon l’UFC-Que choisir. En effet, les trains qui ont moins de 6 minutes de retard sont considérés comme étant à l’heure. « Si nous étions sur des trajets longs, nous pourrions considérer que c’est tolérable. Mais sur des trajets courts, de 45 minutes en moyenne, cela équivaut à un rallongement de 13 % ! » dénonce Mathieu Escot, responsable adjoint des études de l’association de consommateurs. Par ailleurs, en dehors de l’Ile-de-France, la SNCF compte les TER à l’heure, et non les passagers à l’heure. Cela signifie par exemple que si un train bondé est en retard et qu’un autre presque vide est à l’heure, la SNCF compte 50 % de ponctualité, alors que 90 % des passagers étaient en retard.

Autre biais sur les statistiques : la « cécité bien pratique sur les annulations », selon l’UFC-Que choisir. « La SNCF considère que tous les trains annulés au moins la veille de leur départ sont déprogrammés, et non annulés. Résultat : ces trains bel et bien annulés n’existent pas dans les statistiques, comme s’ils n’avaient jamais existé ! » dénonce Mathieu Escot. Besoin d’un cas pratique pour illustrer ces pirouettes statistiques ? Attention, c’est de la haute voltige. Lors de la grève de juin 2014, la SNCF a affirmé que seuls 6,9 % des TER avaient été annulés. « Donc, 93 % des TER ont circulé ? » s’interroge le responsable des études. « Non, la SNCF a seulement oublié de parler des 25 % de TER qui ont été déprogrammés » durant cette période. « Ces statistiques arrangées creusent l’écart entre les chiffres officiels et la réalité vécue par les voyageurs », tonne encore Mathieu Escot.

« Dérive flagrante des coûts d’exploitation »

Car les usagers ne sont pas dupes : près de la moitié (48 %) des Français estiment que la qualité des transports s’est dégradée en dix ans. Ont-ils tort ? Non, répond l’association. Et ce, malgré l’achat de nouvelles rames par les régions. « La SNCF fait aujourd’hui rouler des matériels neufs là où elle faisait rouler en 2004 des machines à bout de souffle, mais elle n’arrive pas à améliorer la situation », dénonce Mathieu Escot. « Les conseils régionaux n’ont-ils pas arrosé le désert en achetant de nouveaux trains ? » s’interroge-t-il.

Au premier rang des problèmes à régler, selon l’UFC, la « dérive flagrante des coûts d’exploitation des TER » qui plombe les régions. En neutralisant les effets de l’inflation et de l’augmentation des tarifs de péage acquittés par la SNCF pour utiliser les voies ferrées, le coût au kilomètre de l’exploitation d’un TER a tout de même augmenté de 41 % entre 2002 et 2012. Et ce, alors que les vieux trains étaient remplacés par des modèles neufs moins énergivores.

DOCUMENT. L’augmentation des coûts d’exploitation des TER :

 

 

 

 

Effectifs – 14 %, masse salariale + 16 %

« Cette dérive s’explique par le monopole dont jouit la SNCF sur les TER, partagé en Ile-de-France avec la RATP », explique Mathieu Escot, qui appelle à une ouverture rapide de la concurrence, « sans attendre 2019 », comme c’est actuellement prévu, pour enrayer la « gabegie économique ». Tout n’est pas noir du côté de l’entreprise ferroviaire, qui « a des gains de productivité massifs » : entre 2003 et 2013, « elle a réduit ses effectifs de 14 % tout en exploitant plus de trains », relève l’UFC. Mais dans le même temps, la masse salariale a augmenté de 16 %. « Nous ne jugeons pas la politique salariale et sociale de la SNCF, nous constatons simplement l’effet du monopole et des dépenses pour les usagers », martèle Mathieu Escot.

Pour l’UFC-Que choisir, les régions doivent impérativement se mobiliser et exiger des résultats. Ce sont elles qui sont clientes de la SNCF pour la prestation de service public, et elles doivent négocier ces contrats en incluant plus de pénalités en cas de retards et d’annulations. « Moins de 1 % de la rémunération de la SNCF pour les TER est variable en fonction de la qualité : c’est complètement dérisoire », regrette Alain Bazot.

L’indemnisation des usagers est « embryonnaire »

L’indemnisation des usagers est « embryonnaire ». Seules cinq régions ont mis en place un système de remboursement, et il est parfois financé par le contribuable, et non par la SNCF ! Quant à l’Ile-de-France, l’indemnisation n’est envisagée qu’à partir du moment où plus de deux tiers des trains ne circulent pas en heures de pointe. L’association appelle aussi l’État à ouvrir la concurrence au plus vite, sans attendre d’y être contraint en 2019. « Une ouverture à la concurrence par le biais d’appels d’offres pourrait réduire les coûts jusqu’à 20 % », précise l’UFC.

Contactés mardi midi, les services de communication de la SNCF et des TER n’ont pas encore donné suite à nos messages.

DOCUMENT. Les retards et annulations en 2014, région par région :

 

 

 

Le Point – Publié le

 

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